Témoignages

Louis

Hello ma belle Marie et vous, tous les “tombés du nid” !

Je suis Louis, qui vous parle de là-haut… J’ai été très attendu. Mes frères (16 et 9 ans) et sœurs (15 et 14 ans) étaient impatients de mon arrivée. J’étais annoncé dans une joie immense. Après tout ce temps sans nouveau bébé, c’était «comme une première grossesse», disait maman.

La première écho est parfaite. Papa et maman sont si émus. On me voit si bien grâce à la 3D. Je suis déjà très beau, en toute modestie. Le jour de ma deuxième écho, il fait un temps de rêve. Maman est au volant pour rejoindre directement papa à la clinique. La musique à fond, elle chante. Je la sens si heureuse de m’attendre. Puis elle zappe et tombe sur une émission médicale… En temps normal, maman déteste les émissions médicales, elle est un peu du genre hypocondriaque. Mais cette fois-ci, elle s’y attarde, parce que ça parle de dépistage prénatal, de trisomie sévère, 13 et 18… Jamais entendu parlé, Maman non plus… Son oreille reste distraite, rien ne peut lui enlever sa joie.

On se gare, maman retrouve papa. Ils sont tout amoureux et insouciants comme au premier jour, c’est touchant. Pendant l’échographie, le gynécologue est très sérieux, mais pas mes parents qui font des blagues. Ils me trouvent si beau et ils ont bien raison. Lorsque le médecin pose la sonde, il est grave et leur dit que ça va être long, que les choses ne vont pas bien. A cet instant, ils arrêtent de plaisanter. Le médecin leur explique qu’il pense que je suis atteint de trisomie 18. Papa se sent mal. Le médecin est vraiment très gentil et leur explique dans les détails de quoi il s’agit : handicap lourd, physique et moteur. Maman pose plein de questions, je crois qu’elle ne réalise pas encore. Nous filons voir une cardiologue en urgence, très gentille elle aussi, qui confirme le diagnostic. Là, maman a vraiment perdu son sourire…

Papa et maman ne savent pas ce qui les attend… Handicap lourd, ça, c’est certain. C’est ainsi, pas le choix. Je suis déjà une évidence de vie dans ma famille, alors ils acceptent et ils avancent. Le Professeur Réthoré de la Fondation Lejeune les aidera à comprendre ce que sera leur quotidien si je m’accroche jusqu’à la fin de la grossesse. Elle les appellera régulièrement, parlant à chacun de la famille. Que les gens sont gentils autour de nous ! Cependant, combien de temps je vais vivre, ça, c’est l inconnu… Entre 0 et 15 ans ?

« Que sera sera ! » Il faut bien emprunter ce chemin mystérieux que réserve la vie, comme une aventure, alors vogue la galère ! Je décide de prendre maman “en otage “. Elle a des douleurs terribles et ne peut plus se lever. D’ordinaire très active, elle doit bien apprendre à passer tout son temps avec moi. Et nous sommes bien, tous les deux. Nos seuls déplacements sont en direction de Necker. Deux fois, il faudra faire enlever les excès de liquide amniotique (hydramnios) sous anesthésie. Trois litres enlevés à chaque fois, maman fait le soufflé ! A chaque fois, c’est un risque de me perdre. Alors elle me parle et me rassure. Et je m’accroche.

Le 17 décembre 2014, alors que je suis presque à terme, je décide de lancer les hostilités. A 6H du matin, je crée l’effet “réveil brutal”, ma piscine géante se perce. Nous filons à l’hôpital le plus proche, Rambouillet. Les sages-femmes feront écouter mon cœur pour la dernière fois. Puis nous partons avec l’ambulance dans les embouteillages, la pluie et les Parisiens qui ne se poussent pas, vers ce cher Hôpital Necker. Mais je ne veux pas encore sortir, je suis si bien avec ma maman, elle me caresse tout le temps…

Finalement, pour cause d’embouteillages (encore !) en maternité, je ne suis plus une urgence. Et puis surtout, je suis bien avec maman, je donne toujours de bons signes de ma présence en donnant plein de coups de pieds. J’arrive le 18 décembre 2014, à 17H.

L’accouchement est bien long et douloureux pour maman, pourtant habituée aux accouchements express. Car j’ai décidé de faire autrement : à genoux, pieds devant… Et puis sans un cri, je suis là. Oui, sans un cri, car je suis déjà parti veiller sur chacun, de là-haut… Papa me baptise, maman attend désespérément de pouvoir me tenir… Elle me parle, me trouve si beau, nous sommes si bien… Il y a du monde pour venir me voir. Mes frères et sœurs sont bien émus. Mais quel déchirement quand on vient me chercher ! Maman et papa ne peuvent se résigner à se séparer de moi.

Aujourd’hui, je vous assure que je veille super bien sur toute ma petite famille qui est fière de moi. A travers eux, je veux tous vous embrasser, mes superS copains trisomiques ou handicapés, souvent lourdement, ainsi que vos familles. De même que vous tous qui les soutenez par milliers dans la communauté “Tombée du Nid”. Vous connaissez la richesse de la différence, que moi aussi j’ai enseignée timidement et furtivement à ma propre famille. Et vous avez raison, c’est un trésor !

Et pardonnez à ma maman, quand elle vous sourira béatement dans la rue… Car vous êtes un peu ce qui lui manque !

Louis

Sous la plume de ma maman, Irène

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