Témoignages

Azelie

Bonjour, petite Marie « Tombée du nid » ! Bonjour, tous tes amis !

Je m’appelle Azélie. A l’heure où je t’écris, j’ai une dizaine de jours. Je suis née le 2 novembre 2015 à 23h22. Je pesais 1,880 kg. Maintenant je plafonne à 1,700 kg. Comme toi, Marie, j’ai un petit chromosome en plus. Mais chez moi, c’est le numéro 18. Maman, elle dit que j’étais « la petite surprise de l’année ». D’ailleurs je continue à l’être, jour après jour !

C’est vrai que mes parents avaient mis quatre ans à avoir mon grand frère Tite. Les docteurs avaient bien essayé de les aider avec plein de trucs compliqués, mais ça n’avait pas marché. Maman disait que c’était comme « prendre un bazooka pour écraser une mouche » ! Alors, ils s’étaient tournés vers l’adoption et avaient obtenu l’agrément pour une fratrie, mais c’est finalement la naprotechnologie qui a été la plus efficace, et mon grand frère Tite est arrivé ! Puis ma grande sœur Fleur-Marie, presque deux ans après, avec également un petit coup de pouce napro bien ciblé. Et moi, je suis arrivée toute seule ! C’est pour ça que je suis « la petite surprise de l’année » !

A l’écho des douze semaines, quand elle a vu ma nuque à 2.9 mm, maman a pensé que j’avais une trisomie 21. Mais ça ne lui a pas fait peur, en fait. Des enfants T21, on en connaît plein, et puis il y en a même qui les adoptent. Tu es bien placée pour le savoir, toi, petite Marie ! Et comme des parents concernés disent que c’est plein de bonheur, maman se disait en secret qu’elle aussi portait peut être un « bébé bonheur ». Et elle songeait à m’appeler Félicité.

Mais dix semaines plus tard, quand ils ont vu mon « ensemble polymalformatif », eh bien les docteurs ont mis un autre numéro sur ma trisomie : ils ont dit 18, mais peut-être aussi 13, ou bien encore autre chose. Mais papa et maman, ils n’ont pas voulu m’embêter avec une amniocentèse pour savoir tout de suite. D’ailleurs, pour aucun de nous trois ils ont voulu faire de dépistage. D’ailleurs ils n’aimaient pas quand on leur disait qu’avec l’âge de maman, il y avait un « risque » de trisomie 21. Eux, ils se disaient plutôt : « Ce n’est pas un risque, c’est une possibilité ».

Donc ce numéro 18, ça a encore été une drôle de surprise. En fait, je suis une petite surprise pleine de surprises ! Les docteurs aussi ont été un peu surpris que papa et maman ne veuillent pas arrêter ma vie. Il y en a une qui a dit : « Vous avez l’air de penser que ça va être simple, que votre bébé va mourir rapidement. Mais ce n’est pas si sûr ! Voyons Madame, si vous vous retrouvez avec un enfant très handicapé, vous ferez quoi ? » En entendant ça, Maman se disait : et si par malheur le mari de cette dame avait un jour un accident et devenait handicapé, elle ferait quoi, elle ? Quelle question saugrenue, non ? Alors maman a répondu que ce qu’ils voulaient, c’était tout simplement « me laisser être ce que j’étais et vivre ce que j’avais à vivre ». Du coup, la dame a arrêté de l’embêter avec ça.

Un jour, papa et maman m’ont emmenée faire un très long voyage en voiture jusqu’à la tombe du professeur Jérôme Lejeune, ce grand monsieur qui a passé toute sa vie à soigner et essayer de guérir les enfants porteurs de trisomie. Mes parents se disaient que comme il devait être très bien placé là-haut, il prendrait sûrement bien soin de moi. Et papa et maman croient bien qu’il le fait !

Moi, j’étais drôlement bien dans le ventre de maman, malgré mon artère ombilicale unique, ma fente palatine, mon cerveau un peu en retard et tous mes autres problèmes… A part mon petit cœur, qui finalement semblait aller pas trop mal, d’après le cardio-pédiatre. Du coup, papa et maman, ils ne savaient pas si je vivrais un peu ou pas du tout après ma naissance. Tout était possible.

Alors quand maman a fait ma valise, elle y a mis une jolie petite robe blanche pour m’en vêtir au cas où je ne vivrais pas. A la maison, elle n’a pas fait des montagnes de préparatifs pour mon arrivée. Pendant ce temps-là, Papa s’est occupé de faire faire des devis pour remettre en état un vieux caveau de famille qui s’effondre, afin que j’y aie une jolie place auprès de mes arrière-grands-parents. Mais maman a quand même acheté des tout petits pyjamas pour moi. Et elle a bien fait, tu vois, parce que depuis une semaine, je les porte !

Comme tu l’as compris, papa et maman voulaient me laisser toutes mes chances de vie. C’est pour ça que maman a décidé d’accoucher sans péridurale, pour être sûre de bien respirer, pour que je ne manque pas d’oxygène en naissant. Et elle est super fière car elle a drôlement bien réussi. Et quand je suis née, j’étais toute rose et jolie. Là, mes parents et tous ceux qui étaient autour, ils ont compris que j’étais une championne ! Papa m’a baptisée direct et ils ont chanté tous en chœur !

Maintenant, je suis là ! J’ai passé deux jours et demi en néonat. Puis j’ai rejoint maman à la maternité. Je bois mon biberon, je respire bien. La semaine dernière, papa et maman ont quand même cru très fort que j’allais mourir vite à cause d’une grosse hernie sur le ventre qu’on a découverte à ma naissance. Heureusement, c’est rentré dans l’ordre. Maintenant, maman se bat pour que je reprenne du poids et que je puisse rentrer à la maison ! Mais hier, on m’a découvert un souffle au cœur. Possible que j’aie quand même un truc au cœur finalement… On verra bien ce que dit le cardio-pédiatre. A chaque jour sa petite surprise !

Depuis que je suis née, il y a eu plusieurs rebondissements ! Mais papa et maman confient ma petite vie à la Providence. Maman, répète que je suis une vraie championne. Que c’est moi qui les guide. Ils ne savent pas où je vais les emmener. Ils ont juste à essayer de m’accompagner. Il faut quand même que je te dise que si papa et maman arrivent à vivre tout ça avec une certaine sérénité, ce n’est pas parce qu’ils sont extraordinaires ou d’autres mots qu’ils entendent. C’est juste qu’ils ont une force qui leur est donnée, et ils voient bien qu’elle ne vient pas d’eux, mais du fait que plein d’amis pensent très fort à nous, ici bas, mais aussi là-haut, comme le professeur Jérôme Lejeune et Zélie Martin dont je porte le prénom. Papa et maman, ils savent bien qu’un jour je vais partir. Quand ce sera l’heure. Mais pour le moment, j’ai encore plein de travail à faire ici, plein de cœurs à toucher avec ma petite vie.

Papa et maman, je t’assure qu’ils sont comme tout le monde. Quand j’étais dans le ventre de maman, je sentais parfois des secousses et des secousses. Maintenant, ça arrive encore ; quand je suis dans ses bras, je sens les mêmes secousses avec plein d’eau qui sort de ses yeux. Mais ça ne dure jamais bien longtemps. Ce qui la console, maman, c’est de voir tous les fruits que porte déjà ma toute petite vie.

Voilà, ma petite Marie, j’espère n’avoir pas été trop longue. Si toi et tous tes copains veulent me suivre, allez voir ma page Facebook. Il suffit de taper : « La petite vie d’Azélie ». Je te fais plein de bisous tout doux et demande à ceux qui le peuvent de continuer à penser très très fort à nous tous, chacun à sa manière.

Azélie (sous la plume de ma maman Aurélie, entre deux tétées)

 

https://www.facebook.com/lapetiteviedazelie2015/?fref=ts

NB : Finalement La petite vie d’Azélie a duré un mois, mais un mois si dense et rempli de tant d’amour et que ce fut un immense cadeau pour ses parents.

Un cadeau qui continue à porter ses fruits

Partager cet outil :