Coucou Marie,
Moi, c’est Théodore ! Tu ne me connais pas encore en vrai, mais en revanche tu connais bien le petit-frère de Maman, mon oncle François-Régis, Fafa pour les intimes, puisque c’est lui qui s’amuse à prendre toutes les photos de ta page « Tombée du Nid ».
J’ai eu une histoire très semblable à la tienne ! Mon prénom veut dire « cadeau de Dieu » mais au départ, Papa et Maman n’imaginaient même pas qu’ils allaient recevoir un jour un tel « cadeau ». Pour t’expliquer comment je suis moi aussi Tombé du Nid, il faut que je te parle de l’arrivée de ma sœur Faustine, la numéro 4 de la famille. Alors voici :
Lorsque Maman attendait ma grande sœur Faustine, elle a été voir un docteur au cours du cinquième mois pour faire une échographie, histoire de savoir si tout allait bien. Mais le médecin restait silencieux, passait et repassait sa sonde… Maman trouvait ça bizarre. Il finit par lui annoncer sans préparation : « périmètre crânien trop petit, fémur inférieur à la normale, votre enfant présente une microcéphalie, voire une trisomie 21… Je vous propose d’aller voir l’obstétricien pour prévoir une amniocentèse en vue d’un avortement thérapeutique. » Papa était en déplacement, c’était la première fois qu’il n’accompagnait pas Maman. Elle s’est retrouvée toute seule dans le couloir, complètement sonnée. Cela se passait le 11 septembre 2001, juste au moment où les tours du World Trade Center s’écroulaient, en même temps que tous les espoirs de maman.
Papa et Maman se sont alors beaucoup battus car ils ne voulaient pas faire d’amniocentèse. Il paraît, c’est Maman qui me l’a dit, que cet examen invasif peut être dangereux et provoquer la naissance prématurée du bébé et donc sa mort. Ce furent des semaines de bagarre et pendant ce temps, Faustine ne bougeait plus dans le ventre de Maman. Papa et Maman ont décidé de se libérer de cette pression et de quitter cette clinique dans laquelle il fallait que les bébés respectent des critères de normalité bien établis. Ils ont été accueillis dans la ville natale de Maman par un médecin très gentil et surtout très en colère de ce qui s’était passé ! Papa et Maman ont alors expliqué à Faustine pourquoi ils avaient été si inquiets, mais que désormais, c’était fini et que tout irait bien, quoi qu’il advienne. Et Faustine s’est remise à bouger aussitôt ! Incroyable, non ?
Elle est née le 1er janvier, en pleine forme. Champagne ! Elle n’avait pas de petite tête, ni de chromosome en trop. Le docteur l’a prise dans ses mains et a déclaré : « Et dire qu’elle aurait dû finir à la poubelle ! Regardez comme elle est belle ! » Les trois aînés étaient vraiment fiers ! Alors Papa et Maman se sont dits qu’il n’y avait pas de hasard et que pour remercier le Ciel, ils allaient adopter un petit bébé avec un chromosome en trop ! Comme pour donner un sens à toutes les épreuves qu’ils avaient endurées, toutes les peurs qu’on avait essayé de leur imposer malgré eux. Et ce petit bébé qui avait besoin d’une famille, tu as bien compris, c’est moi !
Faustine était attendue trisomique… Et elle ne l’est pas. Moi, je n’étais pas attendu trisomique dans ma famille d’origine… Et je le suis ! Quand j’étais encore un tout petit bébé in utero, personne n’avait remarqué que j’avais un chromosome en trop. Et quand je suis né, personne n’a rien vu, sauf les médecins qui ont demandé un caryotype. Pendant ce temps, j’ai été allaité, choyé, jusqu’à ce que le résultat tombe : j’étais porteur de trisomie 21… Quand mes parents biologiques l’ont appris , ils sont rentrés chez eux bouleversés et m’ont laissé tout seul à la maternité… Ils pensaient qu’ils ne pourraient pas s’occuper de moi, cela leur faisait trop peur, cette fameuse peur qu’on fait toujours planer à tort sur les enfants comme nous, Marie…
Du coup je n’avais plus faim, je n’avais plus de goût pour rien, comme toi dans ta pouponnière. Je me laissais mourir petit à petit parce que je voulais une maman ! Au bout de seize jours, une assistante maternelle très gentille est venue me chercher et m’a emmené chez elle. Au fur et à mesure que les jours passaient, elle m’a redonné l’envie de manger. Je l’aimais beaucoup !
Au bout de cinq mois, par un beau jour ensoleillé de février, une nouvelle famille est venue me voir. Ils m’ont regardé et m’ont trouvé très mignon ! A juste titre n’est-ce pas ? Ils m’ont pris dans leurs bras, je me demandais un peu qui étaient tous ces gens-là… Et puis ils sont revenus le lendemain, ont assisté à mon bain, la maman m’a aussi donné le biberon. Et à l’époque, réussir à me faire prendre un biberon, c’était toute une histoire !
Le jour d’après, nous sommes partis tous ensemble pour une nouvelle vie ! J’avais plein de bras de toutes les tailles pour me bercer. J’étais pourtant triste de quitter cette dame si gentille. Au début, c’était vraiment difficile car lorsque ma nouvelle Maman changeait mon alimentation, je croyais qu’elle allait m’abandonner elle aussi… Alors j’ai fait deux grèves de la faim… Mais petit à petit, je me suis habitué à ma nouvelle famille. Tout s’est bien terminé car Papa et Maman m’ont bien fait comprendre qu’ils ne m’abandonneraient jamais, jamais, jamais ! Je suis officiellement devenu le numéro 5 de la famille, juste derrière Faustine. Et plus tard, j’ai eu encore deux petits frères et une petite sœur, Flamine !
Maintenant je suis grand, je vais bientôt avoir treize ans. Je vais à l’école, je sais lire, écrire et même poser une addition ! Mais ce que j’aime le plus, c’est le foot, les chiens et le théâtre. Il faut dire qu’avec ma grande famille, je me produis devant un large public ! Ce que j’aime par-dessus tout, c’est saluer à la fin quand tout le monde applaudit !
Et même si parfois je suis un peu têtu, je suis vraiment le plus heureux des « tritri ». D’ailleurs j’adore faire des blagues, comme par exemple rétorquer à mon plus grand frère (qui s’appelle Côme, comme le tien, Marie) que c’est lui le trisomique !
Alors petite Marie, j’espère vraiment te rencontrer bientôt… Nous pourrons nous raconter nos histoires parallèles et je te ferai bien rire avec mes blagues !
Je t’embrasse très fort,
Théodore
PS : Petite Marie, je ne résiste pas au plaisir de te faire lire le poème écrit par ma sœur Blanche (16 ans) à l’occasion de la fête de mes 13 ans il y a deux semaines…
Un 16 septembre Théo est né
Il n’était pas comme les autres bébés
Ses mains étaient celles de Mickey
Et ses yeux étaient tout bridés.
Sa maman l’a laissé sur le lit
Mais quelqu’un allait changer sa vie
Quelqu’un ? Plutôt toute une famille !
Depuis, Théodore resplendit !
« Cadeau de Dieu », ce n’est pas rien
Mais comme prénom, cela va bien !
Aujourd’hui, tout le monde est là
De bonnes odeurs sortent des plats !
Car aujourd’hui c’est ton anniv.
Et malgré cette heure un peu tardive
Nous te fêtons de tout notre cœur
Pour te souhaiter plein de bonheur !