Témoignages

Mayeul

Chère petite Marie Tombée du Nid,

Je m’appelle Mayeul, j’ai 22 mois, j’ai un grand frère Erwan qui a 4 ans et comme toi j’ai un petit truc en plus ; enfin plutôt en moins, tu vas comprendre.

Il y a deux ans, alors que j’étais encore tout petit minus dans le ventre de maman, un médecin a voulu voir ma tête. Et moi, comme je suis coquin, je lui ai fait une grosse grimace, tellement bien réussie que j’ai senti maman et papa tout tristes. Le médecin venait de me détecter une fente labio-palatine bilatérale (un bec-de-lièvre, mais chut, les docs n’aiment pas qu’on emploie ce mot, même si tout le monde le comprend mieux !) Alors ça lui a donné de sérieux doutes concernant l’état de mon cerveau, parce que ça peut être lié. On a donc poussé les investigations…

Comme je n’aime pas faire les choses à moitié, il me manquait aussi une petite partie qui s’appelle le corps calleux, mes lobes frontaux étaient fusionnés, un ventricule un peu dilaté, une hypophyse riquiqui, un bulbe olfactif absent… Bref, c’était vraiment le bazar là-dedans ! Les médecins ont alors dit à maman que j’avais sûrement une trisomie 13 ou 18, comme notre amie Azélie qui veille sur nous au Ciel, ou autre chose du genre, et que je ne vivrais peut-être pas [voir publi d’Azélie du 12/11/2015, NDLR]. Et même si je vivais, alors je serais handicapé, aveugle, sourd, je ne pourrais sûrement pas marcher, parler, j’aurais un retard mental. Un petit légume en fin de compte, un fardeau.

Tu l’as compris, Marie, pour les médecins, c’était une folie que je naisse, car ma vie serait triste et difficile. Et du coup, papa et maman en ont entendu, des choses dures, quand ils ont dit aux médecins qu’ils me gardaient avec eux ! J’ai senti les larmes de maman couler à de nombreuses reprises devant certaines paroles violentes, comme de véritables coups de poing. Mais mes parents sont un peu têtus et n’ont pas partagé ce point de vue. Ils sont restés persuadés que toute vie en vaut la peine (même si sur le moment on n’en comprend pas toujours le sens) et surtout qu’il faut garder l’espérance.

Oui, c’est vrai, le handicap était alors totalement inconnu pour maman et par conséquent cela n’a pas été simple à digérer. Elle se demandait si elle allait y arriver. Papa avait moins peur que maman, il faut dire qu’il avait un peu d’avance avec sa petite sœur chérie qui a un petit chromosome en plus, comme toi Marie.

J’ai senti que papa et maman voulaient me donner toutes mes chances. Ils se sont préparés à m’accueillir tel que je serais, se sont beaucoup renseignés, et ont été très soutenus par toute la famille et les copains qui ont sûrement appelé tous les saints à la rescousse ! Si bien que le jour où j’ai décidé de pointer mon petit nez, tout s’est bien passé. Certes, Maman a eu un petit choc quand elle a vu mon petit visage tout cabossé et j’ai senti ses larmes, mais je crois que c’était surtout des larmes de bonheur que j’aille bien. Je l’ai même entendu dire : « Merci mon Dieu, tout va bien aller ». Papa, lui, il a fait le fortiche, il n’a même pas pleuré.

J’ai ensuite réussi à boire comme un grand malgré la fente labio-palatine. Au bout d’une semaine, comme je commençais à reprendre du poids, on est rentré chez moi ! Mon grand frère m’a fait une de ces fêtes, si tu avais vu ça ! Bon ensuite, ça s’est compliqué. J’ai vraiment été très fripouille, j’avoue… Une infection et surtout de gros problèmes de déshydratation m’ont conduit à de longues hospitalisations. J’ai même dû changer d’hôpital en cours de route parce que les pédiatres ne savaient plus trop quoi faire avec moi et les chirurgiens ne voulaient plus me réparer la figure parce que c’était trop dangereux, comme pour ta copine Léane [voir publi du 19/01/16, NDLR].

Aujourd’hui, je vais mieux, j’ai de bons médocs qui m’aident à lutter contre mes petits soucis. Je reprends des forces et les médecins ont même pu commencer à réparer mon visage de bogosse. En même temps, j’ai démarré la rééducation avec mes coachs attitrés (parait que je prends mon temps) et ça fonctionne bien ! Je suis tellement fort que contre tous les pronostics, je suis aujourd’hui capable de marcher un peu à la maison (et toc !) et de faire quelques signes pour que papa et maman me comprennent, par exemple pour picoler mon bib de lait ou bien réclamer du rab de compote. J’aimerais bien leur dire quelque chose, mais pour l’instant je n’ai pas encore trouvé le truc pour ça. Ca viendra bien un jour, « chaque chose en son temps », dit papa.

Il y a une chose que j’aime par-dessus tout, c’est sourire ! Je souris tout le temps, peut-être pour montrer que la vie est belle. Souvent, les infirmières me disent qu’elles aiment bien venir dans ma chambre parce que je suis toujours souriant et que j’aime bien rigoler !

Je suis encore tout petit mais maman et papa disent que par ma fragilité, j’ai changé leur vie en mieux, aussi fou que cela puisse paraître vu de l’extérieur. Ils me disent qu’ils ont découvert la vraie joie, celle qui est douce et apaisante, que cette fragilité les pousse à profiter de chaque jour à fond et à faire ressortir le meilleur de soi. Ils me disent aussi qu’en touchant leurs certitudes, ma fragilité leur fait voir toute la richesse de la vie avec ses hauts, ses bas et surtout l’importance de la défendre… Car finalement, cette fragilité, c’est notre humanité, tu ne crois pas ?

Après quelques recherches, il s’avère que ce que j’ai s’appelle « l’holoprosencéphalie ». Un petit gène a décidé de « muter » pour faire des galipettes sur mon huitième chromosome. Pour l’instant, papa et maman ne connaissent pas d’autres parents d’enfants qui ont cette malformation. Alors si jamais il y en a qui te contactent, chère Marie, n’hésite pas à me transmettre leur message. C’est important car aux Etats Unis, il y a une fondation qui fait des recherches sur cette maladie, qui informe et soutient les parents afin qu’ils accompagnent tous mes copains pour aller au mieux. Ensemble, on pourrait faire un relais avec cette association américaine « Families for HoPE », ça serait chouette, non ? En France, rien n’existe encore…

Chère Marie, je suis très honoré que tu m’aies nommé aujourd’hui comme premier bébé ambassadeur de l’holoprosencéphalie. Et ça tombe très bien que je rejoigne la communauté « Tombée du Nid » maintenant, car c’est la semaine de soutien et de sensibilisation à l’holoprosencéphalie, dont l’abréviation médicale est « HPE ». En y ajoutant la petite lettre « o », on obtient « HoPE », c’est-à-dire Espérance !

Je t’embrasse bien affectueusement.

Mayeul (sous la plume de ma maman Bénédicte)

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