Témoignages

Matthieu

Coucou Marie !

Papa et Maman ont lu ton histoire dès qu’elle a été publiée (c’était même le cadeau de fête des mères de Maman), et ils ont été très touchés de cette belle histoire d’amour. Maman a mis longtemps avant de se décider à te raconter la mienne, car elle pensait que ce n’était pas passionnant, mais elle a compris, à la lecture de ton histoire et des témoignages de tous les copains sur ta page « Tombée du Nid » (Philippine, Marylou, Victoire, Charlotte, François, Yves-Emmanuel, Khaïs, Flynn, Joséphine et tous les autres), que chaque histoire est différente, mais que nous tous, à notre manière, nous gagnons à être connus ! Alors, voilà, je me lance !

Je m’appelle Matthieu et j’ai deux ans. Je suis le troisième ex-aequo d’une famille de quatre garçons (forcément « plein d’avenir ! »). Et oui, j’ai un frère jumeau ! Nous sommes faux jumeaux, mais vrais copains ! Le début de ma vie a été discret. Je suis le roi de l’illusionnisme. A la fois David Copperfield et Gérard Majax. Ce petit chromosome 21 en plus qui fait de moi une personne extraordinaire, je l’ai caché pendant toute la grossesse de Maman. Pas difficile, me diras-tu ; avec deux bébés dans un espace réduit, on ne voit pas toujours grand-chose à l’échographie. J’avais deux bras, deux jambes, et tout ce qui va bien, donc pas d’inquiétude.

Mais là où je suis hyper fort, c’est qu’à ma naissance, j’ai réussi à enfumer tout le monde : le personnel médical de la maternité, mes parents, et toute la famille. Personne n’a rien vu ! Mon petit « plus », je l’ai planqué. Bien sûr, comme toi, Marie, j’ai des petits yeux en amande, mais mon Papa aussi, alors rien d’anormal ! Profil bas, je vous dis. Discret. Ni tambour, ni trompette. Arriver à deux, ça m’a semblé suffisant comme révolution dans la famille ! J’ai préféré reporter à plus tard mon effet d’annonce. Mes parents, ils étaient légèrement dépassés avec les seize biberons par jour, autant de couches, les nuits blanches, nos grands frères et tout le reste, alors ce n’était pas forcément le moment de la ramener et de créer un tsunami ! De toutes façons, ce chromosome, il n’allait pas s’envoler, alors, cool, on avait le temps !

Ces deux mois-là nous ont donné le temps de nous apprivoiser mutuellement avec Papa, Maman et mes frères. Mes parents m’ont aimé dès le premier regard, comme Grégoire mon jumeau et comme les deux grands avant nous. Ils m’ont aimé dès le début pour moi-même et non pas pour, ou malgré mon petit « plus », et ça, ça a été notre grande chance. Depuis, mes parents ont compris, en rencontrant d’autres parents aux histoires différentes, qu’il n’y a pas de bon moment pour apprendre une telle nouvelle et que c’est toujours un énorme choc. Mais c’est donc sans arrière-pensée qu’ils m’ont accueilli dans la famille ; et avec le recul, c’était bien comme ça. Et pourtant, je ne sais pas si j’ai manqué de vigilance, si ma tenue de camouflage ne m’allait plus, mais c’est ma pédiatre, à mes deux mois, qui m’a démasqué à l’occasion d’une banale visite de routine.

Et là, Marie, tu sais, toi, que la vie des bisounours ça n’existe pas, alors tu ne seras pas étonnée d’apprendre que ma surprise jalousement gardée a pris des allures de mauvaise blague pour mes parents. Et la tempête que beaucoup connaissent, nous aussi, on l’a traversée : les torrents de larmes, l’incompréhension, le désespoir, l’inquiétude de l’avenir. Tout y est passé ! Ce n’est pas du tout ce que mes parents avaient désiré et projeté pour moi (et pour eux !). La trisomie 21, ils ne connaissaient pas, ou de loin. Mais mon charme a opéré ; ma petite tête de chou, mes yeux bleus azur, mes cheveux d’ange (comme le dit ma grand-mère), mon sourire ravageur et mon caractère bien trempé (de cochon dit mon Papa) les séduisent jour après jour. D’ailleurs c’est même pas vrai que j’ai un caractère de cochon : il faut juste que tout le monde me laisse faire ce que je veux quand je veux.

Ma famille a fait des rencontres incroyables de gens formidables, bienveillants, à l’écoute. Mes parents ont été marqués à tout jamais par les messages reçus, les marques d’affection, les petites attentions, les mille petits services rendus par les amis, les voisins, la famille. Que d’amour autour de nous ! Ça fait chaud au cœur et en toute modestie, je crois que c’est grâce à moi ! Oui, dans la tempête, le bateau familial a beaucoup tangué, mais n’a jamais coulé, grâce au soutien que nous avons reçu pendant de longs mois et surtout grâce à l’amour de ma famille.

L’aventure ne fait que commencer et il y a comme dans toutes les familles des joies et des peines, des inquiétudes, des espoirs, des déceptions, mais aussi de petites et de grandes victoires (qui ont une saveur incroyable) et surtout beaucoup d’amour. Et ça, c’est bien le meilleur des moteurs ! J’avance à mon rythme, c’est-à-dire pas trop vite. J’enseigne la patience à mes parents et ça tombe bien, parce qu’ils ne sont vraiment pas balaises dans ce domaine ! Je suis super fort pour certain trucs comme jouer au ballon (j’adore !), faire le grand-écart, manger des morceaux. Mais j’ai aussi quelques trucs à travailler : je ne marche pas encore (d’ailleurs bravo Marie pour tes premiers pas, c’est génial !) ; je m’exprime peu, mais je suis bel et bien là et, facétieux, je fais des bêtises comme personne, à la grande admiration de mon jumeau qui n’oserait pas faire le quart de tout ce que je fais !

Voilà mon histoire ! Maman continuera à lire les vôtres avec intérêt. Elle y puise beaucoup de soutien ! D’ailleurs Marie, toi qui es une vraie star et qui connais beaucoup de monde, je me demandais si tu avais un copain, une copine, avec un petit « plus » comme nous et qui a aussi un jumeau comme moi. Si c’est le cas, je crois que cela intéresserait assez Maman de papoter avec sa Maman, vu qu’elle a encore plein de questions (je ne sais pas si cela s’arrêtera un jour, les questions… Les parents, cela réfléchit vraiment trop !).

A bientôt, Marie !

Matthieu (sous la plume conjointe de mes parents Guillaume et Anne-Sophie)

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