Témoignages

Philippine

Salut petite Marie, c’est moi, la grande Philippine.

Ben voilà, depuis qu’elle a refermé le livre qui raconte comment tu es « Tombée du nid », ma mère, figure-toi qu’elle m’aime « mieux » !

D’avoir lu la petite aventure de tes parents partis chercher un enfant blessé par la vie, alors que ma mère m’avait là, sous la main, sans rien n’avoir demandé, eh ben, en y réfléchissant, elle se demande si je ne suis pas un trésor !

Paraît qu’elle a su que j’étais « extra-ordinaire » (oui, j’aime bien le terme) quand je mesurais 5 cm. Je crois bien que quand elle l’a appris, c’était pas précisément le plus beau jour de sa vie (ça, c’est ma grande sœur qui me l’a expliqué).

Paraît même qu’elle pleurait beaucoup jusqu’à espérer que j’aille directement au Paradis sans passer par la case départ (cherche pas, c’est une référence de grands, Marie ! Si t’as jamais joué au Monopoly, tu peux pas capter !).

Moi, peinarde, bien accrochée, j’ai attendu la journée mondiale de la trisomie 21 pour pointer le bout de mon nez, je me suis dit que ça avait de la gueule. C’était il y a 10 ans.

J’ai failli passer l’arme à gauche dès ma naissance, mais tu rigoles ou quoi, j’avais pas envie moi, je les aimais déjà, mes vieux ! Bon eux, ils avaient pas l’air à la fête. Du coup, je me suis faite un peu discrète, j’ai fait mes nuits tout de suite, histoire de les laisser dormir…

Et puis, mon palpitant, il a fallu le recoudre (comme souvent chez nous autres). C’est un comble, c’est pourtant ce qui marche le mieux chez mes potes et moi, le cœur : si vous saviez comme on vous aime ! Hein, Marie, tu confirmes !

De retour à la maison avec mon cœur tout neuf, on a commencé notre vie à cinq. Je la trouvais plutôt cool, ma famille. Les gens arrêtaient maman dans la rue pour lui dire qu’ils me trouvaient jolie (en toute modestie, hein, on se comprend !). Au début, elle était plutôt étonnée, elle trouvait surtout que j’avais une drôle de tête ! Mais depuis, elle a fait de sacrés progrès : avant de me connaître, elle croyait qu’on arrivait sur terre en jogging, avec une frange et des lunettes ! Faut dire que question clichés, elle en tenait une couche !

Là dessus voilà-ti pas que j’ai eu une petite sœur, puis un petit frère : Ange. Lui, il est né le soir de l’Enquête Corse. Tu l’auras remarqué, dans la famille, on soigne ses dates d’arrivée. Idem pour Fureur, notre chienne. Ben oui, l’année du F, « la fureur de vivre », référence à James Dean évidemment, tu piges le titre ?

Cela fait 10 ans que je grandis avec eux, et ils en ont fait du chemin ! Mes grandes sœurs ont dépassé Arlette Laguiller dans l’art de la revendication, dès qu’il s’agit de faire entendre ma voix. Et quant à ma petite sœur, voilà qu’elle s’est mise à glander sévère (le truc fréquent, bien connu des psys, pour les cadets d’enfants comme moi), du genre : « je serais trop une vache si je dépassais Philippine ». Recadrée direct ! Faut se mettre au boulot, flemmarde ! Moi, ça me va qu’on me dépasse, tant qu’on m’aime…

Avant, ils ne vivaient pas dans le même espace-temps que moi. Tout ce qui les animait (rentabilité, productivité, utilité, rapidité) sont des mots qui ne font pas partie de mon vocabulaire. Alors déstressez, les gars, déstressez, prenez le temps d’aimer ! En fait c’est aussi sûrement pour ça que je suis « tombée du nid » chez eux : pour les ramener à l’essentiel !

Alors tu vois Marie, depuis que ma mère a lu ton histoire, elle y pense souvent, à tout ça. Quand sa patience se fait la malle, il paraît qu’elle me regarde comme si elle m’avait adoptée, en oubliant que ce n’est pas moi qu’elle attendait, mais qu’elle est contente que je sois là ! Elle a changé son regard sur ma pomme. T’imagines la chandelle que je lui dois, à ta maman Clotilde ? Je bénis le ciel pour le jour où elle a décidé d’écrire ! Alors embrasse-la bien pour moi, et dis-lui que sa prose, elle fait du bien à tous ceux qui la lisent !

Je te laisse, j’ai un pot de macadamia nut brittle à finir..

Ta nouvelle copine Philippine

(sous la plume de ma mère Laure, à l’attention de la tienne Clotilde Noël)

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