Témoignages

Eliott

Petite Marie,

Lors de la sortie de ton livre « Tombée du nid », je me le suis immédiatement procuré. Eliott n’avait pas quatre mois et nous étions encore en proie à des millions d’interrogations et de doutes. Ton histoire et celle de ta famille m’ont touchée, émotionnée, bouleversée. Si tu es d’accord, j’aimerais te raconter la mienne, celle de ma famille, et ainsi te montrer comment notre vie a basculé.

Tout a commencé le 22 janvier 2015. Après une grossesse sereine et sans aucun problème, Eliott est né ! Ce petit coquin nous a réservé une première surprise en choisissant de venir au monde tellement rapidement que nous n’avons pas eu le temps de partir à la maternité, me forçant à accoucher devant la salle à manger. Tu imagines un peu ? Mais les surprises ne se sont pas arrêtées là. Arrivés à la maternité en ambulance, la joie s’est rapidement muée en inquiétude lorsque la pédiatre a constaté qu’Eliott avait la nuque large. Premier coup de poignard dans le cœur : cela ne pouvait pas être possible, tous les tests effectués durant la grossesse étaient bons. Non, ce n’était pas possible ! Notre foi en la vie nous a fait quelques instants « oublier » cette frayeur afin de profiter des premières heures de vie de notre petit bonhomme.

Mais les heures suivantes se sont avérées être le plus gros calvaire de notre vie : les médecins avaient de sérieuses suspicions de trisomie 21. Tu sais Marie, à ce moment-là, la vie s’est arrêtée, le rideau est tombé. Notre vie était fichue. Nous ne comprenions pas pourquoi cela nous arrivait à nous qui avions si peur du handicap, de la différence, nous qui voulions un deuxième enfant « parfait ». Nous en avions discuté avant l’arrivée de notre premier enfant. Si ce scénario s’était présenté, nous aurions tout « stoppé ». Mais Eliott était maintenant parmi nous, nous ne pouvions plus rien faire et personne ne pouvait plus rien pour nous. Nous étions à présent en enfer. Nous avons pleuré comme jamais nous ne l’avions fait.

Le lendemain, après une nuit blanche à réfléchir, pleurer, se demander pourquoi, culpabiliser, en vouloir à la terre entière, nous avons perdu la tête. Tu vois Marie, nous aimions déjà Eliott du plus profond de notre cœur, mais nous n’arrivions décidément pas à concevoir notre vie de famille avec ce petit être différent. Nous avons donc songé à le confier à l’adoption, à le faire « tomber du nid ». L’hôpital nous a proposé de rentrer sans lui à la maison le temps du week-end, d’essayer d’atterrir et de revenir faire le point le lundi suivant.

Mais voilà, Marie, la vie n’est pas faite de hasards. Va savoir pourquoi je me suis confiée à une voisine et amie dès le vendredi soir lorsque nous sommes rentrés seuls de la maternité ! Cette voisine nous a alors mis en relation avec des amis qui avaient vécu la même chose que nous trois ans auparavant. Sachant que nous étions sur le point d’engager une procédure en vue de confier Eliott à l’adoption, qu’il nous fallait nous décider d’ici le lundi suivant, nous nous sommes dit qu’il ne serait peut-être pas inutile de pouvoir rencontrer ces gens.

Nous leur avons donc rendu visite ; une famille tout ce qu’il y a de plus « normal », heureuse avec leur petit gars, Louis, trois ans, très épanoui, avec ses traits rigolos et sa grande sensibilité bien propres à la trisomie. Alors que je pleurais, sans mot dire, le petit Louis s’est approché de moi et m’a caressé la jambe. L’émotion m’a submergée. Je te jure qu’au moment précis où sa petite main s’est posée sur moi, son regard bleu dans mes yeux, j’ai cru entendre : « Tu verras, Pat, tout se passera bien »…

Au terme de cette rencontre, nous avons fait quelques pas au bord du lac que nous affectionnons tant. Un regard échangé, mais aucune parole. Nous nous étions compris. Il fallait qu’Eliott rejoigne notre « nid ». Cette unique nuit loin de lui, sa petite chambre vide, son absence ; tout cela nous était déjà devenu insupportable. Nous sommes vite allés le chercher.

Voilà, petite Marie, comment Eliott a bouleversé toutes les convictions que nous pouvions avoir. Nous savons que nous avons fait le bon choix. Avec le recul, faire tomber Eliott du nid aurait été pour nous la pire erreur de notre vie, nous ne voyons pas comment nous aurions pu nous en remettre.

Heureusement qu’Eliott a réussi à déjouer les pièges de la médecine, car sans ça il n’aurait jamais pu enrichir nos vies ; nous n’aurions jamais découvert son sourire et nous n’aurions pas eu l’occasion de voir la vie autrement. En plus, Eliott est en forme olympique et aucune pathologie n’a été décelée à ce jour, alors que demander de plus ? Nous restons lucides. Certes la vie ne sera pas toujours rose, mais elle est belle et elle vaut la peine d’être vécue !

Je t’embrasse bien fort, petite Marie. Transmets toute ma tendresse à ta famille.

Patricia, maman d’Eliott

PS : tu peux me retrouver aussi sur ma page !

https://www.facebook.com/eliottupsidedown/

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