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«J’ai adopté deux filles, elles sont handicapées… et alors ?»

MAGIC MAMAN – Dans ses ouvrages «Tombée du nid» et «Petit à petit», Clotilde Noël raconte l’aventure bouleversante de sa famille. Après avoir eu six enfants, ils ont décidé avec son mari de se lancer dans l’adoption de Marie, trisomique. Puis celle de Marie-Garance, polyhandicapée… Une histoire poignante.

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Après six ans de démarches d’adoption, Marie a rejoint la famille Noël. Clotilde et Nicolas, parents de six enfants avant de s’engager dans cette voie, ont fait le choix d’adopter un enfant « différent ». Dans ce parcours, ils ont dû faire face à des nombreuses remarques de l’administration, comme de leurs proches. Une histoire qu’ils racontent dans l’ouvrage « Tombé du Nid », qui a rencontré un vif succès.

Dans ce premier livre, l’histoire s’arrête au moment de l’arrivée de Marie. Mais une fois accueillie au sein de la famille, comment se passe le quotidien avec une enfant handicapée ? La suite du récit, Clotilde la décrit dans « Petit à petit… » et sur sa page Facebook. Depuis, une deuxième enfant, Marie-Garance, polyhandicapée, a également rejoint la tribu. Elle nous livre son témoignage et son ressenti, d’avoir voulu aimer un enfant quel que soit son handicap et sa couleur de peau et que ce désir soit pris au sérieux et respecté.

«Les mêmes émotions que lors de mes accouchements»

« J’ai eu la même fatigue que lors de mes accouchements et j’ai eu les mêmes émotions. Ce n’était pas les hormones de la grossesse, mais on vit un vrai chamboulement. C’est une responsabilité double que l’on récupère en plus : celle de son handicap, et celle de son abandon. On a souvent entendu que c’était limite tordu de se tourner vers l’adoption d’une enfant avec un handicap. Beaucoup de gens ne voit qu’une handicapée. Mais nous, nous voyons une enfant avant tout. Une enfant adorable, pleine de vie. Cependant, il ne faut pas croire qu’on vivait dans l’angélisme, à se dire que tout allait être parfait. Mais c’est ça d’être parent, quel que soit l’enfant. Et puis, je raisonne ainsi : dans toute part d’amour, il y a un risque. Et je pars du principe que si on se protège de tout risque, on ne vit plus.

On était donc prêts, en accord avec notre décision, tout en sachant qu’il y aurait des moments difficiles. On n’a jamais fait le tour de l’éducation, même après 6 enfants. Et Marie nous a appris à aimer mieux nos autres enfants. Elle a apporté un nouveau bonheur dans notre famille. Notre couple a été plus soudé. Les enfants se construisent avec cette petite sœur différente et ils l’aiment. Ils trouvent même déprimant quand elle est à la garderie. Ça m’émeut d’une force incroyable de voir tout cet amour entre eux. Ca a apporté du bonheur à mes autres enfants. Ce sont eux qui nous ont d’ailleurs poussés à adopter une autre enfant. Pourtant, on ne leur avait rien imposé. On leur avait bien dit qu’ils avaient le droit de nous dire qu’ils n’étaient pas en accord avec cette situation. En les laissant très libres sur les liens à mettre en place avec ces enfants, ils ont choisi de les aimer et surtout, ils ne les regardent pas avec pitié.

«Ces enfants ont une intelligence de coeur»

Le handicap reste encore tabou et beaucoup de personnes en parlent sans savoir ce que cela veut dire au quotidien. Je ne ferai pas du tout de notre histoire une généralité, mais notre vécu est à prendre en compte et peut rassurer. En effet, pour moi, ces enfants avec un handicap nous apportent des choses différentes. Ils ont une intelligence de cœur dont eux seuls ont le secret. Marie et désormais Marie-Garance, nous ont apporté un équilibre familial inouï. Par ailleurs, Marie-Garance a de lourdes lésions : elle a des rendez-vous médicaux quasiment tous les jours. On ne sait pas combien de temps elle va pouvoir vivre… Ca nous apprend à profiter encore plus pleinement de chaque jour qui passe.

Bien sûr que mes enfants comme nous avons dû faire face à des remarques, à des violences. La différence réveille les peurs. Mais je n’en veux pas aux gens. Ça les renvoie à leur histoire, que je ne connais pas. Et souvent, ils pensent également que la trisomie 21 est une lourde contrainte. Mais pour Marie, tout va bien. Elle peut s’habiller seule, elle va à l’école le matin. Elle n’aura pas son bac et alors ? Elle fera autre chose !

«Ces petites filles handicapées respirent l’amour et la vie»

Je ne dis pas non plus qu’il faut se réjouir lorsqu’on apprend que notre enfant est handicapé. Il risque de souffrir, d’avoir mal. Oui, ça c’est vrai. Mais la peur que cela fait naître est injustifiée. J’ai parfois l’impression d’être en plein dans le mythe de la caverne de Platon. Les gens ont l’illusion que le handicap est une chose horrible, insupportable, monstrueuse… car ils ne connaissent que leur réalité, celle qu’on veut bien leur montrer dans leur caverne. Mais nous, dehors, avec ces petites filles handicapées, on respire la vie et l’amour.

Beaucoup de gens me plaignent en effet, et me trouvent courageuse, voire héroïque. Mais quand je vois le sourire de tous mes enfants, j’ai l’impression que le monde marche à l’envers. Beaucoup d’autres parents traversent de bien plus grandes souffrances que la mienne. Et puis, oui, il y a les rendez-vous médicaux fréquents. Mais il suffit qu’un enfant ait besoin d’un orthophoniste, fasse des otites à répétition ou doive voir un psychologue… cela prend du temps. Car avoir un enfant est un investissement. Le handicap fait partie de la vie. Nous ne pouvons pas vivre dans un monde aseptisé, on a besoin de ces différences. J’ai l’impression que l’on veut normer l’évolution naturelle, comme si l’enfant était un robot qui se doit d’être sans défaut… Mais ce n’est pas ça la vie. »

Depuis, Clotilde s’est engagée dans diverses causes et se trouve notamment être la porte-parole du SDD (Stop Discriminating Down)  à l’ONU à l’occasion de la journée mondiale de la trisomie le 21 mars.

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